Entre l’imaginaire et le réel, il y a le parfum comme une expression du sensible, la plus intime de l’être. Depuis toujours la vocation de l’art est de mettre en scène, d’exposer voire même d’incarner une vérité tenue pour supérieure. Dans les civilisations du passé, l’œuvre d’art remplissait une fonction sacrée, car elle devait refléter un ordre cosmique, extérieur aux hommes. Le parfum remplit aussi au tout début de l’humanité ce rôle sacré. Le nom même de parfum « per fumum » à travers la fumée témoigne de ces rites religieux anciens, où les prêtres brûlaient des bois odorants, des résines et des baumes, afin que leurs prières arrivent vers le Divin, portées sur des nuages d’encens. Peu à peu dans l’histoire, le parfum devint l’expression caractéristique de la personnalité, tout comme les traits du visage et la ligne du corps. Cette quête devint une chasse, traquant le talisman magique capable de valoriser la personne ou au contraire de cacher le laid de sa nature. Mais la laideur dans l’art peut aussi devenir admirable. La correspondance des sens fit naître celle des arts et le parfum puisa ses sources d’inspiration et d’expression dans tous les domaines artistiques. Il ne fut pas que senteur, il devint un objet, sujet des caprices de la mode. Le parfum obtient son statut d’art par le principe vital qu’il incarne. L’œuvre d’art s’anime par le pouvoir de l’odeur. De même, le support visible, tactile ou audible rend perceptible la présence du parfum. Ce dialogue entre le parfum et l’œuvre d’art est un pas de deux, le matériel sans l’immatériel, unissant les cinq sens et harmonisant le cosmos. Ainsi, en traduisant la mémoire olfactive et culturelle d’une société en marche, le parfum n’est pas un art figé. Il porte en lui la modernité. L’objet inanimé retrouve une âme et l’art renoue avec sa fonction sacrée, en dépassant les frontières du réel pour entrer dans l’impalpable.