Il est des voyages sans quitter une chaise. Sans bagages et sans tour du monde. Nul besoin de partir loin pour éprouver l’ailleurs. Le sentir en soi progresser et dessiner un paysage nouveau. L’ailleurs se fantasme, il se rêve. Il s’énonce dans une matière onirique, prend forme aux détours de l’imagination. Dès lors partir en soi, pourrait devenir une définition possible de l’acte de création. Toiles, sculptures, dessins, vidéos, sont autant de fragments de ces voyages et mondes intérieurs. A l’instar des Sailor’s Valentine de Sophie Kitching, petites boîtes octogonales remplies d’objets dont elle n’a jamais pu se séparer qui s’inspirent d’une émouvante pratique du XIXe siècle. Lorsque les marins partaient en mer, ils récupéraient des coquillages pour les offrir à leur femme à leur retour, sur la terre ferme. C’est chez Frédéric Malle que ces souvenirs échoués, coquillages et fleurs séchées ont trouvé leur place et s’amarrent pour s’y ancrer. Plus loin, au Café de Flore, une femme, Laure, filmée magistralement par Ange Leccia voyage en elle et défile sur différents écrans. Elle se laisse aller à un songe, un délassement de l’âme. Non loin, Nespresso accueille les sculptures acidulées de l’artiste brésilien installé à Paris, Romain Vicari. Celles-ci semblent convoquer symboliquement les fruits de son pays d’origine. La résine bleue, rouge, gagne selon la lumière en transparence et invite au dépassement des frontières. Pas d’espace défini ni de frontière non plus pour Dean Monogenis dont les acryliques sur bois, montrées aux Deux Magots, dressent des ponts entre naturalité et urbanisme, se mélangent jusqu’à rendre des lianes minérales et les architectures vivantes. Jamais la nature n’aura été si perturbée par l’homme. Une nature captive qu’expriment avec force les fils élastiques de Pauline Guerrier, Place Saint-Germain. Ils semblent être emmêlés, emprisonnés de leur propre mouvement. Dans les fioles de la série Kiss me de Gabriel Leger qui trouvent en Dinh Van leur écrin, existe cette entre connaissance et méconnaissance, entre miel et bitume. Entre mort et vie ? Gageons que l’édition de ce Parcours Saint-Germain soit résolument placée du côté de la vie, de la création et qu’elle tende à affirmer en filigrane avec Pavese que « l’art est la preuve que la vie ne suffit pas ».